Brouillard au pont de Tolbiac

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À l’occasion d’une lettre reçue de la part d’une très ancienne relation, Nestor Burma remontera la filière d’un crime non résolu qui le replongera dans son passé anarchiste au coeur du XIIIe arrondissement. Il sera aidé dans ses recherches par une jeune gitane Bélita Moralès, amie de son camarade défunt.

« C’est un sale quartier, un foutu coin,(…) c’est son climat. Pas partout, mais dans certaines rues, certains endroits on y respire un sale air. Fous en le camp Bélita.(…) Ca pue trop la misère, la merde, le malheur ! » Cette phrase sans appel de Burma à la gitane résume bien ce que Malet pensait du XIIIe arrondissement avec lequel, prétendait-il avoir un vieux compte à régler. En 1926, âgé de 17 ans, l’auteur avait séjourné en 1926 au foyer Végétalien, 182 rue de Tolbiac, en compagnie de camarades anarchistes. Cette courte expérience qui lui avait laissé un souvenir amer.

De la série « Les nouveaux mystères de Paris », « Brouillard au Pont de Tolbiac » a toujours été considéré comme un roman à part. Par son auteur d’abord, puis par son public qui découvrait sur les traces de Nestor Burma le souvenir d’un XIIIe disparu. Le plus souvent Malet travaillait sans plan préalable, ce qui l’amenait à effectuer un certain nombre de corrections au rythme de l’avancée de l’intrigue. La conception de cette histoire était un peu différente. Malet, pressé par les délais, devait envoyer les épreuves de son manuscrit à l’éditeur à mesure de sa rédaction. Impossible donc de revenir en arrière.

Léo Malet n’était pas amateur de bande dessinée. C’est en passant par hasard devant la librairie Casterman qu’il tomba en arrêt devant la couverture du « Démon de la Tour Eiffel », une aventure d’Adèle Blanc Sec illustrée par Tardi. Après s’être procuré l’ouvrage, il fut convaincu que le style inimitable du dessinateur conviendrait parfaitement à l’adaptation de Nestor Burma. Lui seul pourrait saisir l’atmosphère du Paris des années 50 duquel il saurait retranscrire le « cafard latent ».
L’album paru chez Casterman en 1982. Si les décors et l’ambiance sont exceptionnels, le dessin de Burma n’a pas encore trouvé la forme définitive qu’il adoptera à l’occasion de « 120 rue de la Gare » en 1988. Aucune documentation n’existant à propos du « Foyer Végétalien » disparu depuis des lustres, Tardi le dessina sur la base des souvenirs de l’auteur. Le passage des « Hautes Formes » entre les rues Nationale et Baudrincourt retrouvera son aspect originel le temps de quelques cases, au même titre que les arches du viaduc d’Austerlitz et bien d’autres détails encore.
Le roman fut redécouvert des années après sa rédaction, lorsque les bulldozers commencèrent leur travail de sape. Malet qui pensait avoir écrit un roman « contre » le XIIIe, souriait quand on le considérait comme le spécialiste d’un quartier qu’il n’avait fréquenté que quelques mois… Sans faire l’apologie de la saleté, il déplorait que la rénovation des lieux, certes nécessaire, n’ait pas été réalisée « à échelle humaine ». Il fustigeait ces tours impersonnelles pensées par des architectes modernistes qui habitaient eux, des hôtels particuliers à Passy. Dans un papier écrit en Novembre 1978 Malet écrivait qu’il ne retournerait pas dans le XIIIe, car il prétendait s’y sentir encore plus malheureux que lorsqu’il y traînait la savate.

Brouillard au Pont de Tolbiac – Malet/Tardi – Editions Casterman