Place des fêtes, Barjavel et Fugain

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Pourquoi écrire ? Pourquoi s’obstiner à noircir ces lignes d’une main malhabile qui a perdu l’habitude de manuscrire. De ma période pré-informatique, j’ai conservé l’habitude d’écrire à la main. Acte de résistance passive, le geste me semble plus naturel. Cette pensée m’effleura tandis que je remontai un soir la rue des Bois vers la Place des fêtes, en quête d’une tranche de jambon.

Corriger ou pas. Laisser pisser le fil de l’encre sans trop se préoccuper du comment. Ce sera l’un des efforts que je consentirai à faire en guise de bonne résolution de janvier. Corriger par excès de pudeur, ou désir de trop bien faire ? Gommer la spontanéité au profit de la clarté pose la question de notre rapport aux autres, de la peur de déplaire ou pire, celle d’être incompris. Ne me préoccupant plus guère de la chose, je souhaite tout de même offrir l’opportunité d’une opinion. Ces ruminations que vous inflige me permettront d’aller au bout de ma démarche.

Place des Fêtes disais-je ? Cette Place des Fêtes dont les tours culminent aussi haut que la Butte Montmartre, semble aujourd’hui retrouver l’équilibre dont ses meurtrissures l’avaient longtemps privée.
Place des Fêtes, c’est aussi celle l’ancienne commune de Belleville, annexée à Paris en 1860, qui attendit un siècle les affres d’une rénovation aussi nécessaire que curieusement conçue.

A l’échelle de Paris Unplugged, cet endroit m’a posé de nombreux soucis. La documentation est mince et la transformation en profondeur des lieux complique les comparaisons. J’en profite pour remercier tous les internautes, anciens habitants du coin, dont les indications m’ont été fort précieuses.

Le site de l’INA est une merveille pour les chineurs. Je revois cette émission de 1975 au cours de laquelle l’écrivain Barjavel et le chanteur Michel Fugain déambulaient à travers les chantiers de la Place. Couvert par le bruit des marteaux piqueurs, leur dialogue confrontait le point de vue de deux générations. Après une brève définition du concept de «Fêtes», l’auteur du «Grand Secret», qui ne devait pas en avoir connu beaucoup, fustigeait la concentration verticale d’existences vouées à ne plus se croiser. Remis dans le contexte de l’époque, son discours pouvait sembler réactionnaire, mais n’était-il pas in fine pétri d’un bon sens que notre génération a déserté depuis un moment. L’avenir lui aura un peu donné raison. Au fil des ans, l’expression «Ca craint !» ponctuait souvent la description de l’endroit.

Contraint de séjourner dans ce secteur entre octobre 2012 et février 2013, je fus plutôt séduit par l’atmosphère de ces hauteurs dont on prétendait pis que pendre. Cette Place des Fêtes donnerait presque envie de la faire, tant le quartier avait évolué depuis sa mauvaise réputation des années 80. Le béton et les hauteurs avait crée un village d’un genre nouveau, avec marché, square et poussettes.

Le voisinage des Rues Emile Desvaux et Paul Knock, petites artères provinciales pavées à proximité de la Rue des Bois ouvrent une hypothétique lucarne sur le charme passé du quartier avant la refonte.
J’avoue que le gigantisme bicolore de ces tours leur confère une certaine poésie. Le fait d’avoir passé les quatre premières années de ma vie dans un grand ensemble de la Rue Erard m’interdit toute objectivité. Je me laisse prendre chaque fois. Cette fascination/ répulsion pour les surfaces grises, passages couverts et autres méandres de bétons est l’un de ces nombreux paradoxes dont ma personnalité se nourrit. J’ai fini par accepter la chose avec une distance amusée. L’enfance, encore et toujours… Le thème est éculé et je m’en réjouis.

Nicolas Bonnell – janvier 2013

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